Philo & le Beau
Philo & le Beau
Ressources pédagogiques pour l'enseignement de la religion protestante au niveau secondaire
Philosophie Magazine, n°40, juin 2010 : « Qu'est-ce qu'être beau ? »
Le constat est le suivant : d'un côté, « on se met à plat ventre devant la beauté comme jamais auparavant », remarque Elsa Zylberstein dans son savoureux dialogue avec Pascal Bruckner – et ce n'est pas le triomphe de la mode, de la chirurgie plastique, de la propagande people qui la contredira. D'un autre côté, après un siècle de furieuse déconstruction de tous les jugements, la philosophie ne dispose plus d'aucun critère objectif pour définir ce que veut dire « être beau ». Est-ce se faire souffrance pour se conformer aux standards esthétiques du moment ? Ou, au contraire, insiste André Comte-Sponville après Spinoza, sommes-nous beaux seulement lorsque nous brillons dans les yeux de celui qui nous aime ? À moins qu'il ne s'agisse, comme le suggère le fin connaisseur du Tao, Jean François Billeter, d'accéder à un suprême oubli de soi…
10 articles composent ce dossier:
PEPIN Charles, « Quand la Beauté nous sauve », éd. R. Laffont, 2013, 234p.
Tout le monde peut voir sa vie enrichie par la fréquentation de la beauté. L'éclat d'un rayon de lumière se posant sur les flots à travers un ciel d'orage, les couleurs flamboyantes d'un tableau de Van Gogh, une mélodie de Michel Berger ou de David Bowie, les progressions vertigineuses d'une fugue de Bach, le profil d'un homme ou d'une femme, la majesté splendide d'une voûte gothique... La beauté nous frappe (souvent à l'imprévu) et nous touche d'une façon qui peut nous paraître d'autant plus inexplicable qu'elle est forte. Or, si nous reconnaissons la sensation unique que la beauté nous procure, nous ne lui attribuons généralement pas un rôle central dans notre existence. Nous aurons plutôt tendance à mettre en avant la recherche du bonheur, du plaisir, ou encore l'amour, l'amitié, l'engagement pour une cause, la réussite, le pouvoir... Comme si la beauté était un agrément superficiel, secondaire, extérieur à ce qui fait le sens de notre vie. Pourquoi alors nous attire-t-elle, nous fascine-t-elle tant ? Pourquoi avons-nous tant besoin d'elle, du plaisir particulier qu'elle nous donne ? C'est que, sans que nous en ayons forcément conscience, la beauté nous fait du bien, affirme Charles Pépin. Plus encore, elle nous aide à nous réaliser, à vivre mieux. Pour nous démontrer cette conviction, il ne s'attache pas à définir les critères du beau, ce qui fait qu'une chose nous paraît belle, mais à décrire ce que la beauté nous fait. Il cerne ainsi ce qui est en jeu dans nos émotions esthétiques les plus quotidiennes, en s'appuyant non seulement sur la pensée de grands philosophes, Kant, Hegel, Freud, ou encore Platon ou Nietzsche, mais sur son itinéraire personnel, et sur un multitude de situations concrètes, puisant ses exemples aussi bien dans les arts classiques que dans les arts populaires et dans notre relation à la nature. Ce livre est un parcours en plusieurs étapes qui éclaire la façon dont la beauté 1) nous aide à retrouver notre liberté de juger, notre capacité à nous écouter, à nous faire confiance ; 2) ouvre grand notre rapport au monde, à d'autres façons de voir, à d'autres vies possibles ; 3) nous permet de nous affranchir de ce qui nous entrave, de nous dépasser et nous élever ; 4) nous apprend à nous réjouir de ce qui est, à porter un regard ébloui sur l'existence. Ainsi, la beauté nous guérit de nos doutes, de notre individualisme, de notre enfermement, de nos contradictions, de nos peurs, de notre malaise d'être humain. Bien plus qu'un divertissement, bien plus qu'un luxe gratuit pour gens cultivés, l'émotion esthétique nous offre à tous la promesse de vivre plus intensément.
GARDNER Howard, « Les Nouvelles Formes de la vérité, de la beauté et de la bonté Pour les transmettre au XXIe siècle », éd. O. Jacob, 2013, 288p.
Depuis l’aube de la civilisation, les hommes s’efforcent de définir la vérité, la beauté et la bonté. Chaque société a développé ses propres interprétations de ces vertus intemporelles. Le célèbre scientifique Howard Gardner décrit les formidables transformations qu’elles ont subies à notre époque et les défis que nous devons relever pour continuer à leur donner sens. Comment distinguer ce qui est vrai à l’ère d’Internet, quand dominent les sites d’information en permanence modifiés et quand prolifèrent les blogs anonymes ? Comment juger de la beauté d’une œuvre, quand c’est devenu une qualité dépassée pour nombre d’artistes contemporains plus soucieux de choquer que de plaire ? Et comment différencier le bien du mal, quand la morale est relativisée ? Si nos conceptions de la vérité, de la beauté et de la bonté changent plus rapidement que jamais, elles n’en restent pas moins la pierre de touche de nos sociétés. Comment alors les définir aujourd’hui et les transmettre – tout au long de la vie, à l’école et au-delà ?
Christophe Bouriau, « Le « Comme si » Kant, Vaihinger et le fictionalisme », éd. du Cerf, 2013, 256p.
Dans l’expérience esthétique, nous éprouvons des émotions au sujet de personnages que nous savons fictionnels. Mais ne faut-il pas croire que quelque chose est réellement arrivé à une personne pour que cela nous émeuve ? On trouve une contradiction du même type dans l’expérience religieuse de certains chrétiens : ils disent être émus par Jésus et par ses paroles sans pourtant penser qu’il est réellement le Fils de Dieu. Un autre paradoxe, lié lui aussi à l’usage de fictions, concerne la théorie de la connaissance : comment parvenons-nous à atteindre des résultats corrects tout en utilisant des fictions dans nos raisonnements ? L’auteur entend manifester la pertinence du « faire comme si », attitude thématisée la première fois par Kant et développée en détail par le néokantien Hans Vaihinger dans sa « Philosophie du comme si » (1911), pour élucider ce type de paradoxe. L’« approche par le comme si » de Vaihinger, dont Christophe Bouriau examine les sources et la postérité, établit une médiation entre plusieurs aspects de la philosophie de Kant et certains courants actuels de la philosophie analytique, qu’on regroupe sous le nom de « fictionalisme ».
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