Wittgenstein
Wittgenstein
Ressources pédagogiques pour l'enseignement de la religion protestante au niveau secondaire
ROMANO Claude (dir), « Wittgenstein », éd. du Cerf, 2013, 608p.
Philosophe génial et inclassable, Wittgenstein continue aujourd’hui encore à fasciner et, malgré la quantité considérable d’études qui lui ont été consacrées depuis un demi-siècle, son œuvre et sa pensée conservent une part irréductible de mystère. Celui qui désirait rester dans l’histoire comme l’homme « qui a brûlé la bibliothèque d’Alexandrie » — c’est-à-dire qui a mis un terme à la « grande philosophie occidentale » —, comme il le confiera un jour dans un manuscrit, est d’abord un penseur acharné remettant sur le métier, jour après jour, avec une obstination confinant à l’obsession, les mêmes problèmes. Un philosophe sans concessions, refusant toute facilité et exerçant sur lui-même son impitoyable esprit critique. Ce volume s’efforce de rendre compte des différentes facettes de son œuvre en rassemblant des études rédigées à l’origine en différentes langues — pour les unes déjà classiques, pour les autres inédites —, et en laissant la place aux controverses exégétiques qui ont émaillé sa réception, à commencer par celle intervenue ces vingt dernières années entre les tenants du « New Wittgenstein » et les partisans de la lecture orthodoxe. Les contributeurs montrent l’actualité de Wittgenstein pour la philosophie en général, bien au-delà du cercle de ses disciples et par-delà le clivage, peu pertinent pour appréhender sa pensée, entre philosophie continentale et philosophie analytique.
Ludwig Wittgenstein, Jacques Fauve, « Leçons et conversations sur l'esthétique, la psychologie et la croyance religieuse / Conférence sur l'Ethique », Folio, 1992, 186p.
Si je m'arrête à considérer ce que l'éthique devrait être réellement, à supposer qu'une telle science existe, le résultat me semble tout à fait évident : rien de ce que nous pourrions jamais penser ou dire ne pourrait être cette chose, l'éthique ; nous ne pouvons pas écrire un livre scientifique qui traiterait d'un sujet intrinsèquement sublime et d'un niveau supérieur à tous les autres sujets : si un homme pouvait écrire un livre sur l'éthique qui fût réellement un livre sur l'éthique, ce livre, comme une explosion, anéantirait tous les autres livres de ce monde. Nos mots, tels que nous les employons en science, sont des vaisseaux qui ne sont capables que de contenir et de transmettre signification et sens - signification et sens naturels. L'éthique, si elle existe, est surnaturelle, alors que nos mots ne veulent exprimer que des faits. Tout ce à quoi tendent tous les hommes qui ont une fois essayé d'écrire ou de parler sur l'éthique ou la religion - c'était d'affronter les bornes du langage. C'est parfaitement, absolument, sans espoir de donner ainsi du front contre les murs de notre cage. Dans la mesure où l'éthique naît du désir de dire quelque chose de la signification ultime de la vie, du bien absolu, de ce qui a une valeur absolue, l'éthique ne peut pas être science. Ce qu'elle dit n'ajoute rien à notre savoir, en aucun sens. Mais elle nous documente sur une tendance qui existe dans l'esprit de l'homme, tendance que je ne puis que respecter profondément quant à moi, et que je ne saurais sur ma vie tourner en dérision.
Sandra Laugier, Christiane Chauviré, « Lire les Recherches philosophiques de Wittgenstein », éd. Vrin,
Les Recherches philosophiques sont le second grand ouvrage de Wittgenstein, publié en 1953, deux ans après sa mort. Avec ce livre polyphonique et dialogué, il inaugure un style philosophique entièrement inédit, en rupture y compris avec celui de son premier chef-d'œuvre, le Tractatus logico-philosophicus: en discussion avec divers interlocuteurs philosophiques, dont lui-même, il interroge les tendances et tentations constitutives de nos habitudes de pensée, révélant les usages communs de langage qui leur donnent seulement un sens. Ainsi Wittgenstein modifie la nature même de l'activité philosophique. Les contributions réunies ici veulent faire voir plus clairement ce tournant que constitue la seconde philosophie de Wittgenstein: une attention nouvelle aux usages, détails et circonstances du langage, mais aussi à l'arrière-plan anthropologique sur lequel se déploie cette grammaire, et qui lui donne sa physionomie. Elles suivent, à travers une analyse continue du texte et de ses moments, les différentes voix qui résonnent dans les Recherches, y faisant apparaître une nouvelle conception de la subjectivité comme de la socialité du langage.
Ludwig Wittgenstein, « Recherches philosophiques », éd. Gallimard, 2005, 380p.
Œuvre maîtresse de la seconde manière wittgensteinienne, les Recherches philosophiques ont été à maintes reprises remises sur le métier par leur auteur. Elles ne constituent pas un texte achevé, mais un work in progress : la version imprimée de la première partie est en fait une troisième version de l'ouvrage (elle fut rédigée pendant l'année universitaire 1945-1946 et il semble bien que Wittgenstein la retravaillait encore à la veille de sa mort), et la seconde partie provient d'un manuscrit issu de la réélaboration et de la réorganisation de matériaux contenus dans différents textes écrits entre 1945 et 1949. Publiées en 1953 après la mort de Wittgenstein par deux de ses exécuteurs littéraires (G. E. M. Anscombe et R. Rhées) et saluées dès leur parution par des comptes rendus substantiels et élogieux, signés de noms célèbres (N. Malcolm, P. F. Strawson, J. N. Findlay et P. K. Feyerabend), dont l'un présente Wittgenstein comme " le premier philosophe de l'époque ", les Recherches se sont très vite imposées non seulement comme un texte de référence en philosophie du langage, mais aussi comme un classique de la philosophie contemporaine. Elles ont eu une influence considérable sur divers courants dominants de la philosophie de la fin du XXe siècle (principalement outre-Manche et outre-Atlantique, mais aussi en Allemagne à travers K. O. Apel), et elles sont à la source de bien des débats actuels qui débordent très largement le cadre de la philosophie académique. A vrai dire, elles occupent une position singulière dans le champ contemporain qui tient notamment à leur remise en question des sublimités métaphysiques et des réductionnismes en tout genre et à leur refus catégorique de toute théorie de la signification et de toute quête d'une terre ferme de l'origine - refus qui les tient à l'écart, d'une part des ambitions de la tradition analytique, et d'autre part des présupposés de la tradition continentale, et qui les conduit sur la voie d'une analytique de la quotidienneté dont on n'a certainement pas fini de mesurer la fécondité.