Mythe : Babel

Ressources pédagogiques pour l'enseignement de la religion protestante au niveau secondaire

 

PETROSINO Silvano,  « Babel. Architecture, philosophie et langage d'un délire », éd. du Félin, 2010, 176p. (Les marches du temps)


Longtemps tenue pour la punition d’une révolte orgueilleuse par un Dieu jaloux de l’ombre que pourrait lui faire la grandeur humaine, la légende de Babel est ici soigneusement relue dans une tout autre perspective: «Qu’est-ce que tout cela – la construction de la Tour, la confusion des langues et la dispersion des hommes – a à voir avec le sens de la création?» À l’ambiguïté d’une entreprise humaine inévitablement guettée par la perversion idolâtrique ne répond alors qu’une interruption renvoyant l’existence aux risques de sa responsabilité. Partant de la littéralité même du récit, l’interprétation de Petrosino est particulièrement précieuse en raison du dialogue exigeant qu’elle tend à instaurer entre cette vieille légende et les modernes que nous sommes. Elle s’appuie aussi bien sur la tradition juive (Rachi, le Midrash, Scholem) que sur le meilleur de l’exégèse (von Rad, Beauchamp) ou de la théologie chrétienne (Balthasar, Gisel); mais elle sait également faire appel à l’histoire (Zumthor) ou à la littérature (Kafka), sans oublier les apports de la psychanalyse (Lacan, Balmary) ou ceux de la grande pensée philosophique (Hegel et Heidegger, Levinas et Derrida). Mouvement sans fin d’aller et de retour qui parvient à nous transmettre dans toute la force surprenante de son inquiétante actualité le cri d’alarme qu’il s’agit de faire résonner en nous et entre nous: prenons garde aux menaces mortifères qui se cachent derrière l’érection prétentieuse de nos tours! Silvano Petrosino est né à Milan en 1955. Spécialiste reconnu de Levinas et de Derrida, il est actuellement professeur à l’Université catholique de Milan, où il enseigne la sémiotique et la philosophie morale.


BENTOLILA Alain, « Parle à ceux que tu n’aimes pas. Le défi de Babel », éd. Odile Jacob, 2010, 240p.


Reconstruire Babel, c’est refuser la dispersion et l’enfermement, tisser solidement les fils d’un dialogue exigeant et lucide entre nos intelligences singulières, aussi différentes, aussi éloignées soient-elles.

Reconstruire Babel, c’est transmettre une langue commune et forte pour que nos enfants, curieux de la différence et défiant la distance, puissent construire ensemble un monde un peu meilleur que celui que nous leur aurons laissé. Reconstruire Babel, c’est le défi que nous devons aujourd’hui relever.


BOURETZ Pierre, de LAUNAY Marc, SCHEFER Jean-Louis, « La Tour de Babel », éd. Desclée de Brouwer, 2003, 188p. (Tryptique)

De la migration d’Ur par les Juifs de Babylonie, au IIe millénaire, en passant par l’exil à Babylone au VIe siècle, l’histoire des Hébreux est marquée par cette confrontation décisive avec les tribus sédentaires, bâtisseuses de villes. La légende de la Tour de Babel forme ainsi avec le récit de la Création et celui du Déluge, un tableau de la préhistoire du peuple élu.

Pour aborder cet épisode fondamental, trois auteurs réunissent ici leur voix.

Pierre Bouretz donne 22 variations sur le thème de Babel et de la confusion des langues, qui vont des commentaires talmudiques à la Bibliothèque de Borges, en passant par les spéculations du XVIIe s. sur la langue universelle, la « folie du traduire » de Hölderlin, mais aussi Kafka, Benjamin ou Rosenzweig.

Marc de Launay, commentant de près le texte, propose de voir dans la confusion des langues tout sauf un châtiment , mais l’inscription d’une transcendance et donc d’une historicité, au sein de l’immanence d’une « langue une », régressive et répétitive.

Jean-Louis Schefer étudie l’histoire des figurations de la Tour, des périodes romane et gothique jusqu’à Bruegel. Il montre que la perspective d’Hérodote, confirmée par l’archéologie - révélant un culte cosmique où le roi s’unissait avec une prêtresse au sommet d’une tour -, a été occultée par l’interprétation de Philon d’Alexandrie. S’impose alors une moralisation de l’épisode, le rendant inaccessible à l’Histoire.


MARTIN Jacques, «Alix. La Tour de Babel. Bande dessinée», éd. Casterman, 1993


C'est l'une des vertus de la bande dessinée : elle conserve à ses héros l'allure juvénile que le lecteur leur a toujours connue. C'est ainsi qu'Alix n'a pas pris une ride depuis 1948. Toujours svelte et musclé, l'allure d'un adolescent, l'œ fier et le cheveu court, prêt à assumer jusqu'au bout son sens de la justice dans un monde - celui de l'Antiquité - pas toujours tendre. Le premier épisode de ses aventures, Alix l'intrépide, paraît dans les pages de l'hebdomadaire Tintin en 1948. Jeune Gaulois esclave des Romains, Alix entame une vie d'aventures qui lui fera sillonner le monde antique en compagnie de son jeune ami Enak. Son créateur, Jacques Martin, dessinateur au trait élégant qui fit longtemps partie des studios de Hergé, accorde un soin tout particulier à la crédibilité de ses histoires. Très prisées des enseignants, parfois traduites en latin et en grec, les aventures d'Alix mêlent ainsi avec efficacité sens de l'action et références historiques. Un classique de la BD franco-belge.


VICARI Jacques, « La Tour de Babel », PUF / Que sais-je?, 2000, 128p.


En envisageant la perception sous l’angle d’une philosophie des fictions, cet essai critique les grandes thèses sur la perception en les organisant en une antithétique, il les dénonce comme des masques idéologiques et montre comment on peut sortir des contradictions qui semblent inévitables. Le thème de la perception ne saurait être isolé des questions liées à l’imagination et aux passions, ses difficultés ne pourraient être résolues indépendamment des problèmes soulevés par les divers modes de la sensibilité. L’horizon de cette antithétique et de son effort de résolution est celui des fondements des sciences de l’homme, fondements qui relèvent d’un effort pour repenser l’espace, le temps, la force.



WENIN André, « D'Adam à Abraham ou les errances de l'humain. Lecture de Genèse 1,1 – 12,4 », éd. du Cerf, 2007, 256p. (Lire la Bible, n° 148)

On aborde souvent les premiers chapitres de la Genèse en « pièces détachées » privilégiant les pages célèbres : Adam et Ève, Caïn et Abel, le déluge, la tour de Babel... Ici, André Wénin prend en compte Genèse 1,1–12,4 comme un ensemble littéraire unifié et en donne une lecture narrative, articulée avec une interprétation théologique et anthropologique soucieuse d'expliciter le lien étroit avec la suite immédiate : l'appel d'Abraham. Lecture exigeante de construction du sens, d'une vérité qui est à la fois celle du texte et celle du lecteur. L'auteur prend au sérieux le caractère mythique de ce récit une histoire se raconte, celle des premiers pas des humains entre eux et avec Dieu, histoire complexe où sont visitées tour à tour les grandes questions de la vie que le texte biblique évoque avec force : la relation homme-femme, la violence, la mort, la vie en société, le rapport à la transcendance... Ce début du livre de la Genèse raconte avec beaucoup de rigueur et de précision comment des choix malheureux posés par les humains mettent en péril le projet divin d'un monde d'alliance où l'harmonie permet l'épanouissement de toute vie grâce à la bénédiction du Créateur. Mais dans les impasses, Dieu se tient à côté d'eux pour leur rouvrir un chemin de vie, sans violer leur liberté ni les priver de leur responsabilité.


STEINER Georges « Langage et silence », Les Belles Lettres, 2010, 340p.

On a pu dire de l'œuvre considérable de George Steiner qu'elle tourne tout entière autour du langage, de son sens et de ses conséquences morales et religieuses. On le verra en lisant cet ouvrage écrit voici quarante ans par l’auteur de Après Babel et Réelles présences et qui, dans un style clair et rigoureux, analyse les menaces qui pèsent sur le langage, sur la position du poète face à la barbarie et la survie d’un sens lié à la culture occidentale. Les humanités survivront-elles ? Chacun sait que la réponse est un combat qui ne cessera jamais.



PARIZET Sylvie, « Babel : ordre ou chaos ? Nouveaux enjeux du mythe dans les œuvres de la Modernité littéraire », Éditions littéraires et linguistiques de l'université de Grenoble, 2011


Hantés par Babel, les écrivains de la Modernité ont souvent fait appel à ce vieux mythe biblique. Il est intéressant, dès lors, de voir la façon dont ils « travaillent » le récit initial et en renouvellent la portée. Kafka, Borges, Pierre Emmanuel ou Paul Auster, pour ne citer qu'eux, donnent un nouveau souffle à « Babel », ouvrant la voie à un renversement de point de vue : l'univers du multiple n'est plus signe de chaos, mais « ordre » bénéfique… Dans une première partie, l'ouvrage propose une étude du récit biblique et de son devenir littéraire jusqu’au dix-neuvième siècle : on y voit comment « Babel » est devenu un mythe des plus féconds. La seconde partie s’attache aux transformations que subissent les deux topoï qui lui sont attachés (celui de la « ville maudite » et celui de la « langue perdue ») au cours du vingtième siècle, au moment où émerge une vision plus positive de Babel. Dans un dernier temps, l’ouvrage montre les nouveaux enjeux, politiques et métaphysiques, que prend ce mythe dans les œuvres de la Modernité littéraire.